L’enquête EpiCov a été élaborée par la DREES et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), en collaboration avec Santé publique France et l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) dans le contexte de la pandémie de Covid-19. L’objectif de cette enquête était d’estimer la dynamique de l’épidémie et d’étudier les répercussions des confinements et de l’épidémie sur les conditions de vie et sur la santé. Quatre vagues d’interrogations se sont succédées entre mai 2020 et décembre 2022 permettant de constituer un panel de 64 423 personnes.
Une progression des pensées suicidaires dans l’ensemble de la population entre 2020 et 2022, plus marquée chez les moins de 25 ans
Les pensées suicidaires déclarées sont plus fréquentes à l’automne 2022 (3,4 % des adultes) qu’elles ne l’étaient à l’automne 2020 (2,8 %). Une progression qui concerne pratiquement tous les âges mais qui est particulièrement marquée chez les femmes âgées de 18 à 25 ans : près de 9 % d’entre elles déclarent à l’automne 2022 avoir pensé à se suicider au cours des douze derniers mois, une proportion en progression de +2,4 points par rapport à 2020. Alors qu’ils paraissaient relativement protégés jusqu’alors, les jeunes hommes commencent également à montrer des signes de vulnérabilité : plus de 5 % d’entre eux sont concernés par des pensées suicidaires à cette même période, une proportion en hausse de 1,3 point par rapport à 2020.
Un léger recul des syndromes dépressifs entre 2021 et 2022, mais des populations toujours vulnérables
Pour autant, la prévalence des syndromes dépressifs dans la population diminue entre l’été 2021 et 2022 (9,6 %, - 1 point), principalement sous l’effet d’une décrue des syndromes légers chez les personnes de 25 ans ou plus. Les syndromes majeurs, évocateurs d’une dépression caractérisée, se maintiennent quant à eux chez 5,3 % de la population.
Soins de santé mentale : une baisse du recours chez le médecin généraliste mais une hausse du recours chez les psychiatres et les psychologues
L’étude des différents types de recours aux soins de santé mentale montre de fortes hausses de recours aux spécialistes de santé mentale que sont les psychiatres (3 % de la population adulte y ont recouru, +1 point par rapport à l’été 2021) et des psychologues (6 %, +2 points) avec, en regard, une décrue du recours au généraliste pour un motif psychologique (5 %, -2 points). Les psychologues deviennent ainsi le premier recours pour raisons de santé mentale. Au total, 11,4 % de la population déclarent avoir recouru à un professionnel de santé pour motif psychologique entre juillet 2021 et l’automne 2022.
Une progression des difficultés émotionnelles chez les enfants et les adolescents entre 2021 et 2022, davantage marquée chez les filles
L’enquête EpiCov comporte un module spécifique de questions qui concernent l’un des enfants mineurs vivant avec l’adulte répondant au questionnaire. En comparant les réponses apportées à l’été 2021 (troisième vague de l’enquête) et celles à l’automne 2022 (quatrième vague), aucune amélioration n’est constatée sur les difficultés psychosociales des enfants âgés de 5 à 17 ans. Au contraire, la proportion d’enfants avec des difficultés d’ordre émotionnel (tristesse ou anxiété) augmente sur la période, passant de 12 à 16 %. Ici encore, cette augmentation concerne plus particulièrement les filles, bien qu’elle concerne également les garçons.
Les difficultés financières, un faible soutien social et les discriminations subies sont très associées à la présence d’un syndrome dépressif
La situation financière est très associée à la prévalence des syndromes dépressifs. Parmi les personnes déclarant une situation financière difficile, plus d’une sur cinq présente un syndrome dépressif, contre 6 % parmi les personnes sans difficultés (graphique). Autre facteur, le soutien social, approché dans l’enquête par le nombre de proches sur qui l’on peut compter, l’intérêt que l’entourage porte à ce que l’on fait et la facilité à obtenir de l’aide de ses voisins. Moins le soutien social est important, plus le risque de présenter un syndrome dépressif est élevé.
Les victimes de discriminations et les minorités sexuelles sont également plus vulnérables vis-à-vis des syndromes dépressifs. Parmi les 16 % de la population qui déclarent avoir subi, au cours des cinq dernières années, des traitements discriminatoires (18 % des femmes et 14 % des hommes), la prévalence des syndromes dépressifs est doublée par rapport au reste de la population. De même, les personnes qui se définissent homosexuelles ou bisexuelles sont près de deux fois plus fréquemment atteint d’un syndrome dépressif que celles se définissant comme hétérosexuelles (16 % contre 9 %). Comme constaté dans les précédents volets de l’enquête EpiCov, une exposition aux écrans plus de six heures par jour, hors raisons professionnelles ou scolaires, et la consultation des réseaux sociaux au moins une fois par heure sont associées à une plus forte prévalence du syndrome dépressif.

Dégradation de la santé mentale d’une part importante des jeunes femmes et adolescentes, le rôle des discriminations et des réseaux sociaux
Il apparait que les femmes de moins de trente ans sont plus exposées à certains facteurs de risque du syndrome dépressif. Par exemple, elles sont près de 50 % à compulser les réseaux sociaux au moins une fois par heure contre 16 % en population générale, elles sont également plus nombreuses à déclarer appartenir à une minorité sexuelle et à subir des discriminations (28 % contre 16 %). L’étude suggère que la concentration de ces facteurs de risque dans cette population pourrait partiellement expliquer leur surrisque de dépression.
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