Formes d’économie collaborative et protection sociale

Paru le 04/02/2021

L’économie collaborative et le développement de plateformes d’échanges ont conduit à la diffusion de nouvelles pratiques de consommation, de production et de financement. Elle soulève des questions diverses relatives à la croissance, la concurrence ou encore la fiscalité. La diversification des formes d’emploi et de travail, liée à l’économie collaborative, rend particulièrement cruciaux les questionnements concernant l’évolution du droit du travail et la nécessité d’adapter le système de protection sociale.


Valorisation des recherches

Les enjeux autour du travail de plateforme ont fait l’objet d’un Colloque intitulé « Travail de plateforme et usages de la protection sociale », organisé conjointement par la DREES et la Dares, le mardi 4 octobre en salle Laroque au Ministère de la santé et de la prévention. Ce Colloque a été l’occasion de présenter les projets de recherche sur l’économie collaborative en invitant des chercheurs et experts de différentes disciplines.

Le programme est disponible ici.

Grâce à la collaboration de Jean-Luc Outin (MiRe), Verena Richardier (Humanités Vagabondes) a mis en images les éléments saillants des neuf recherches du programme « Formes d’économie collaborative et protection sociale »

 

Table ronde - Usage et recomposition(s) de la protection sociale
 

Les participants Ministères sociaux/ DICOM/ Nicolo Revelli-Beaumont/ Sipa
 

Michel Houdebine, directeur de la Dares Ministères sociaux/ DICOM/ Nicolo Revelli-Beaumont/ Sipa
 

Session - Travail de plateformes et discriminations Ministères sociaux/ DICOM/ Nicolo Revelli-Beaumont/ Sipa
 

Échanges avec la salle Ministères sociaux/ DICOM/ Nicolo Revelli-Beaumont/ Sipa
 

Table ronde - Diversité des modèles d'affaires des plateformes et des statuts des travailleurs
 

Échanges avec la salle Ministères sociaux/ DICOM/ Nicolo Revelli-Beaumont/ Sipa
 

Session - Mesure du travail de plateforme Ministères sociaux/ DICOM/ Nicolo Revelli-Beaumont/ Sipa
 

Les participants Ministères sociaux/ DICOM/ Nicolo Revelli-Beaumont/ Sipa
 

Fabrice Lenglart, directeur de la Drees Ministères sociaux/ DICOM/ Nicolo Revelli-Beaumont/ Sipa

 

Pour tenter de mieux comprendre l’impact de l’économie collaborative sur l’évolution du système de protection sociale, un séminaire de recherche a été organisé par la MiRe et la MAR de la Dares. L'objectif était de réaliser une démarche de concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, afin de faire émerger les thématiques insuffisamment investiguées par la recherche.

Les contributions à ce séminaire ont donné lieu à des actes.

À la suite, un appel à recherche a été lancé ayant abouti au financement de neuf projets :

 

Les projets suivants bénéficient d’un financement par la DREES

 

Flora Bajard (Laboratoire d’économie et de sociologie du travail, Université Aix-Marseille)

Les coopératives d'activité et d'emploi (CAE) aux prises avec les enjeux de protection sociale. Propositions pour un modèle d'analyse qualitatif applicable aux zones grises de l'emploi

Ce projet porte sur les Coopératives d’Activité et d’Emploi (CAE), qui regroupent des entrepreneurs-salariés combinant le statut de salarié et des conditions de travail d’indépendant. En termes économiques et organisationnels, les CAE sont à la fois emblématiques des zones-grises de l’emploi entre salariat et indépendance, et novatrices en matière de droits sociaux. Dans ce cadre, ce projet analysera le rapport des entrepreneurs-salariés à la protection sociale (perceptions, besoins, trajectoires). Au prisme de la qualité de vie au travail et dans le rapport à l’emploi, il analysera les pratiques réelles de ces travailleurs de l’économie collaborative. L’originalité de notre projet est de proposer un modèle d’analyse qualitatif – et non seulement de diagnostic - expliquant les pratiques ordinaires de (non)recours à la protection sociale dans ce contexte de zones-grises. Un dispositif de recherche qualitative spécifique permettra d’élaborer un modèle d’analyse à la fois opérationnel et reproductible par d’autres chercheurs intéressés par ces situations de flou entre travail salarié et travail indépendant dans l’ESS, mais aussi plus largement sur les plateformes numériques.

 

Hélène Bussy-Socrate (Paris School of business)

La protection sociale dans les espaces de l’économie collaborative

Comprendre les principes de l’économie collaborative suppose d’étudier les pratiques des acteurs qui y participent et en particulier leurs conditions de travail. Notre projet de recherche d’une vise à mieux appréhender celles-ci en étudiant les espaces de travail collaboratifs, et la façon dont ceux-ci peuvent fournir les ressources économiques, symboliques et sociologiques de la protection sociale des acteurs de l’économie collaborative. À partir de fondements en théorie des organisations, nous proposons trois grands axes de travail qui permettront une compréhension plus fine des fondements de l’économie collaborative et des formes de protections sociales qui en découlent. Pour améliorer les connaissances sur ce sujet, notre projet abordera une approche essentiellement ethnographique, mêlant observation et expérimentation in situ et entretiens. Nos résultats seront ensuite élargis par le biais d’enquêtes par questionnaire.

 

Isabelle Daugareilh (Centre de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, Université de Bordeaux)

Formes de mobilisation collectives et économie des plateformes

Le projet consiste à s’interroger d’une part sur les conditions d’émergence des mobilisations individuelles et collectives des travailleurs des plateformes et des formes alternatives de travail auxquelles vont recourir certains de ces travailleurs et d’autre part d’analyser et évaluer la pérennité et la viabilité de ces alternatives. Il s’agit donc d’étudier les leviers et les freins juridiques, économiques, psychologiques et sociopolitiques à l’émergence et à la pérennisation de ces mobilisations collectives et formes alternatives à l’économie des plateformes. C’est donc un projet pluridisciplinaire et comparatif qui mobilise des équipes en France (Comptrasec/Gretha/Labpsy/CED/Gresco) et à l’étranger (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays Bas, Roumanie, Royaume-Uni, Suisse).

 

Josépha Dirringer (Institut de l'Ouest : Droit et Europe, Université de Rennes 1)

TransSEN : Transformations Sociales et Économie Numérique

Comment assurer l’effectivité du droit à la protection sociale sans mettre en péril le système censé l’assurer ? Toute la question autour de l’économie numérique est en effet de savoir si le modèle social français peut être adapté ou s’il est appelé à être bouleversé. Les voies de la refondation sont évidemment plurielles. Que l’on songe à redonner au droit social de nouvelles bases ou à l’individu les moyens d’assurer sa subsistance, les dispositifs s’avèrent à l’étude plutôt ambivalents et les conceptions du monde social des plus variées. Tout dépend du mode de régulation retenu et de l’attachement à un système de valeurs que l’on attribue à la protection sociale. Les oscillations entre ces deux paramètres seront déterminantes de l’orientation de notre modèle social. La recherche se propose de partir des espaces de régulation pour saisir le point de vue des acteurs soucieux de la protection sociale des travailleurs de l’économie numérique. Étudiant la reconfiguration des espaces de régulation, institutionnels et marchands, on sera ainsi conduit, de proche en proche, à repenser les fondements d’un système social qui réponde aux enjeux soulevés par l’économie numérique.

 

Les projets suivants bénéficient d’un financement par la DARES

Odile Chagny (Institut de recherches économiques et sociales)

Les nouveaux intermédiaires du travail B2B : comparer les modèles d'affaires dans l'économie numérique collaborative

Les métiers de prestation intellectuelle sont particulièrement sensibles aux effets des « plateformes » et des nouveaux intermédiaires numériques du travail B2B. Pourtant, peu de chercheurs ont mis en relation le fonctionnement de ces intermédiaires avec leurs modèles d’affaires. Notre recherche proposera d’affiner les typologies existantes et une prise en compte poussée du contexte de marché, des enjeux de gouvernance, de gestion et de relations humaines de ces intermédiaires. Nous analyserons ces dimensions via une approche plurielle (théorique, entretiens qualitatifs, mobilisation de données nativement numériques, ateliers). Outre son objet, la spécificité de notre méthode réside dans l’approche longitudinale et l’attention portée à l’ensemble des parties prenantes et en particulier les entreprises clientes. Nous attendons de cette recherche qu’elle éclaire les conditions du développement de ces nouveaux intermédiaires, les freins et leviers communs à différents modèles d’affaires, et documente la capacité de ces acteurs à apporter des réponses collectives aux aspirations des travailleurs en termes de droits, de parcours professionnel, de conditions de travail, de sens et engagement.

 

Jérôme Deauvieau (Centre Maurice Halbwachs)

Comprendre les catégorisations ordinaires et les rapports à la protection sociale des acteurs du collaboratif : le cas du jobbing

Les recherches sur le capitalisme de plateforme révèlent les limites des nomenclatures statistiques actuelles pour intégrer les travailleurs du collaboratif. Dans cette optique, l’objectif est de comprendre le rapport entre catégorisations statistiques et représentations ordinaires des différents acteurs des plateformes de jobbing. Nous envisageons une enquête multi-méthodes articulant analyse statistique, entretiens ethnographiques et observation afin de dégager et d’approfondir une typologie des pratiques et des discours portant sur cette activité tournée principalement vers le bricolage et la prise en charge des enfants et des personnes dépendantes. Cette recherche a pour ambition d’analyser les représentations et les activités effectuées et de cerner les définitions du travail qui se dessinent afin de mieux cerner les besoins de protection sociale.

 

Yannick Fondeur (Conservatoire national des arts et métiers)

Formes d'économie collaborative dans les métiers du numérique : travail, emploi, protection sociale

Ce projet se focalise sur les « freelances » des métiers du numérique et se donne, dans ce champ, 3 objectifs : identifier les différents modèles d’activité des plateformes et les mettre en perspective dans le champ de l’intermédiation ; comprendre les logiques et les effets du recours aux plateformes ; et cartographier les cercles de l’économie collaborative.

Les résultats attendus sont : pour le premier chantier, une typologie des formes d’intermédiation sur le marché du travail des métiers du numérique permettant de mieux comprendre les spécificités du modèle d’activité des plateformes ; pour le second, une connaissance fine de la nature, du vécu et des effets du travail intermédié par les plateformes ; et, pour le dernier, une cartographie compréhensive des cercles dans lesquels s’inscrit l’activité des freelances.

 

Marie Trespeuch (Groupe d’Etudes des Méthodes de l’Analyse Sociologique de la Sorbonne)

L'emploi étudiant à l'heure des plateformes collaboratives

Si la France compte 2,6 millions d’étudiants, l’Observatoire national de la vie étudiante (OVE) établit que près de la moitié d’entre eux ont en parallèle une activité rémunérée. Or, se multiplient depuis une dizaine d’années des plateformes d’emploi en ligne qui s’adressent spécifiquement à des étudiants. Ce projet vise à examiner les effets des plateformes collaboratives d’emploi sur les activités rémunérées des étudiants. Il permettra d’éclairer les pouvoirs publics sur les enjeux spécifiques que la révolution numérique soulève en matière d’emploi, sur cette population toute à la fois familière d’internet et vulnérable sur le plan social et économique. Les trajectoires individuelles, les logiques d’appariement et les conséquences sur le monde de l’emploi étudiant seront analysées grâce à la mobilisation de méthodes statistiques et qualitatives complémentaires : un volet de questions spécifiquement dédiées à l’emploi sur les plateformes sera ajouté au questionnaire national de l’OVE, et 85 entretiens semi-directifs seront menés auprès des personnes engagées dans cette relation d’emploi triangulaire intermédiée par les plateformes.

 

Corinne Vercher-Chaptal (Centre de recherche en économie de l’Université Paris-Nord)

TAPAS. There are Plateformes as alternatives. Entreprises plateformes, plateformes collaboratives et communs numériques : Modèles économiques et formes de travail

Analyser le lien entre économie collaborative et protection sociale suppose de lever le flou qui entoure la notion « d’économie collaborative ». Dans cette perspective, le projet se propose d’opérer un effort de clarification conceptuelle en approfondissant la distinction entre les « entreprises plateformes » et « les plateformes collaboratives ». Alors que les premières se caractérisent par une gouvernance verticale et l’appropriation de l’essentiel de la valeur créée par le gestionnaire de la plateforme, les plateformes collaboratives s’organisent de manière plus horizontale et répartissent des faisceaux de droits sur les ressources créées, selon la logique de partage des communs numériques. Elles dessinent un champ susceptible de s’émanciper des principes purement marchands afin de mieux répondre à des impératifs de soutenabilité sociale et environnementale, en mobilisant la pluralité des principes économiques et en créant des articulations avec les initiatives de l’ESS et celles des communs numériques.

À partir des travaux préalables des membres du groupe, et le partenariat établi avec « La Coop des Communs » qui autorise observation participante et recherche-action, le projet vise à identifier et cartographier des modèles économiques originaux permettant le développement soutenable des plateformes collaboratives ; et explorer comment les différentes formes du travail numérique peuvent y être prises en compte et articulées à des modes de participation aux décisions, d’organisation de l’activité, de rétribution et de protection permettant de satisfaire les besoins des individus impliqués, dans un souci de respect des droits, de solidarité entre usagers et travailleurs, et d’émancipation individuelle et collective.

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