Colloque : le non-recours aux prestations sociales en France et en Europe (compte-rendu)

Paru le 15/12/2022

Le non-recours aux prestations sociales est un phénomène d’ampleur et durable dans de nombreux pays européens, atteignant fréquemment des niveaux supérieurs à 30 %. Il fait l’objet d’un intérêt croissant, plusieurs pays européens ayant déployé ou prévoyant de déployer des initiatives pour lutter contre ce non-recours. En France par exemple les expérimentations de « territoires zéro non-recours » et le projet de « Solidarité à la source » sont deux projets pour limiter le non-recours. La DREES organisait un colloque à ce sujet, le 13 décembre 2022, avec l’appui de l’ODENORE.


Ce rendez-vous a réuni plus de 500 personnes : chercheurs, décideurs publics et acteurs de terrain de toute l’Europe (Royaume-Uni, Espagne, Pays-Bas, Suisse…) pour échanger sur les initiatives déployées pour quantifier et lutter contre le non-recours et les premiers résultats obtenus.
Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, est intervenu en clôture du colloque.

Les apports des travaux récents de la statistique publique sur l’ampleur, les profils concernés et les déterminants du non-recours
Ce premier temps introductif a permis de revenir sur la définition du non-recours et de présenter les résultats les plus récents réalisés par le service statistique public (la Dares et la DREES). À partir d’une sélection de travaux sur différentes prestations sociales, la première session a illustré l’ampleur du phénomène du non-recours en France et en Europe et donné des clés de compréhension sur les principaux déterminants du non-recours et les populations concernées.



 

Prendre la mesure du non-recours dans ses différentes dimensions : complémentarité des approches dans la connaissance du non-recours
Plusieurs spécialistes de la question du non-recours aux prestations sociales ont décrit les différentes méthodes permettant de mesurer ce phénomène. L’usage des informations issues des registres de l’administration pour identifier l’accès ou non aux droits sociaux a été questionné, tout comme l’intérêt de mener des enquêtes plus spécifiques comme dans le cas du projet TAKE, développé en Belgique. Cette table ronde a également été l’occasion de rappeler l’intérêt des travaux sur des populations particulières comme celles suivies par le Secours catholique ou des éclairages locaux sur le non-recours à l’instar des Baromètre du non-recours développés par l’ODENORE.


 

Des chiffres, et après ? Enjeux et usages des chiffres du non-recours
Cette seconde table ronde s‘est intéressée aux usages faits des chiffres sur le non-recours et leurs réceptions par les pouvoirs publics. Selon les pays, ils peuvent être utilisés de différentes manières, soit pour légitimer les plans d’actions de lutte contre le non-recours, soit pour le pilotage des politiques publiques, afin de rendre compte de leur efficacité. Que ce soit en France, en Espagne, au Pays-Bas ou encore en Suisse, l’identification du phénomène de non-recours a certes conduit à la mise en œuvre de solutions pour résorber ce problème, mais parfois aussi à des résistances des administrations confrontées à ce nouveau phénomène « impensé » par les concepteurs de politiques sociales. L’histoire des non-recoureurs aux prestations a été abordé également dans cette table ronde : l’action de non-recours étant souvent le reflet de difficultés et de la peur du jugement face à l’institution publique.

 

 

Perspectives de l’action publique de lutte contre le non-recours
Comme l’a soulignée Marine Jeantet, Déléguée interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, en introduction, « les prestations sociales sont notre filet de sécurité contre la grande pauvreté en France (…) mais l’accès dans les droits peut parfois être difficile pour des publics fragilisés ». Les témoignages visionnés pendant le colloque, notamment à travers l’initiative des Papiers casse-tête, association qui apporte son soutien à ces personnes, montrent la souffrance que peut occasionner ce non-recours.
 



La dernière table ronde a questionné les perspectives de l’action publique de lutte contre le non-recours. Des solutions sont fréquemment énoncées et ont été débattues : automatisation de l’accès aux droits, simplification des démarches, numérisation de celles-ci, utilisation du Big data pour mieux identifier les potentiels recourants, « aller vers » pour toucher les publics éloignés. Mais ces actions sont-elles toujours aussi bénéfiques au recours aux prestations ? Quelles seraient les conditions de leur réussite ? Dans la perspective de la mise en œuvre d’une « Solidarité à la source » et les expérimentations « territoires zéro non-recours », ces réflexions apparaissent essentielles.



 

Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, a clôturé le colloque, rappelant que la lutte contre le non-recours constituait « l’une des priorités de ces prochaines années en matière de politique de solidarités (…) » et qu'elle était « inscrite au cœur du nouveau Pacte des solidarités annoncé avec la Première ministre le 3 novembre dernier ». Il a rappelé les efforts déjà déployés (mise en place d’un accueil social inconditionnel à moins de 30 minutes, domiciliation, attribution automatique de la CSS pour les bénéficiaires du RSA) et ceux à venir (solidarité à la source, territoires zéro non-recours, comité des parties prenantes pou l’accès aux droits).

Crédit photo : Ministères sociaux/ DICOM / Nicolò Revelli Beaumont / Sipa


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