Les personnes âgées entre aide à domicile et établissement

Dossiers solidarité et santé (1998-2016)

N° 1

Paru le 01/03/2003

DREES

Résumé

Dans un contexte marqué par le développement des politiques de prise en charge de la dépendance des personnes âgées - allocation personnalisée à l’autonomie remplaçant la prestation spécifique dépendance, loi sur les institutions sociales et médico-sociales, promotion du secteur de l’aide à domicile - ce numéro des Dossiers Solidarité et Santé rassemble des études réalisées à partir des deux enquêtes lancées en 2000 par la DREES auprès des personnes âgées, maintenues à domicile ou résidant en institution. Les résultats issus des exploitations des enquêtes auprès des bénéficiaires de services d’aide à la personne à domicile (SAPAD) et en établissement d’hébergement pour personnes âgées (EHPA) renouvellent les approches et les connaissances par rapport aux analyses antérieures.

 

Les contributions, qui ont été présentées lors d’un colloque tenu le 4 avril 2002 à l’hôpital européen Georges Pompidou, s’articulent autour de la problématique de la prise en charge des personnes âgées entre domicile et établissement. Elles éclairent un ensemble d’aspects sociaux jusqu’ici méconnus : le recours aux services d’aide à domicile et l’accès aux établissements d’hébergement, les activités et la sociabilité des résidents en institution, la place de la personne âgée dans sa propre prise en charge et dans les protocoles d’enquête.

Précédé d’une présentation des enquêtes EHPA et SAPAD, le dossier est organisé en deux parties, et suivi d’une contribution méthodologique sur la personne âgée dans les enquêtes statistiques.

  • Partant de l’aide à domicile dispensée par des services agréés, la première partie en dégage les caractéristiques des bénéficiaires puis en étudie les circuits de recours. Vient ensuite l’étude de la transition entre domicile et établissement à travers l’analyse des filières d’admission en institution d’hébergement.
  • La seconde partie, centrée sur la vie en institution, s’intéresse à la médicalisation des établissements d’hébergement, et surtout à la dimension sociale de la vie des personnes âgées. À ce titre, deux articles fournissent des éclairages croisés sur la participation sociale et la citoyenneté de leurs résidents et sur l’animation des établissements.

Laurent Caillot et Annie Mesrine ouvrent le dossier par la présentation des enquêtes EHPA et SAPAD. Décrivant tout d’abord le champ des enquêtes en termes de structures, de prestations et d’intervenants, l’article explicite le recentrage du questionnement sur la personne âgée elle-même par rapport aux versions antérieures. Il présente ensuite le mode d’échantillonnage qui passe, dans les deux cas, par l’intermédiaire d’une structure (établissement ou service d’aide), avant de montrer en quoi ces enquêtes illustrent une approche avant tout sociale de la vie des personnes âgées.

Dans la première partie du dossier, deux contributions relatives aux publics bénéficiaires des services d’aide à domicile et aux circuits de recours mettent l’accent non seulement sur l’influence du niveau de dépendance physique, mais aussi sur celle de la catégorie socioprofessionnelle, tant en ce qui concerne l’utilisation qualitative et quantitative des services d’aide que leurs modalités d’accès. La catégorie socioprofessionnelle exerce d’ailleurs également une influence significative sur le processus d’entrée des personnes âgées en établissement, qui fait l’objet du troisième article de cette première partie.

La contribution de Sophie Bressé et Nathalie Dutheil étudie les profils des bénéficiaires des services d’aide à domicile selon plusieurs critères. L’analyse des besoins de prise en charge - estimés d’après le niveau de dépendance physique - des types d’activités et des volumes d’aide des services d’aide ainsi que de l’origine sociale de la personne de référence du ménage conduisent à différencier les bénéficiaires en deux principaux groupes. D’un côté, 30% des bénéficiaires, qui sont des personnes lourdement dépendantes, reçoivent une aide à domicile d’une durée importante qui consiste à la fois en aide ménagère et en aide à la personne pour accomplir certains gestes de la vie quotidienne. De l’autre, près des deux tiers des bénéficiaires reçoivent quasi exclusivement une aide ménagère d’une durée réduite. Pour ces personnes sans dépendance physique, plus souvent issues des catégories socioprofessionnelles supérieures, l’intervention à domicile s’apparente à de la prévention. Toutefois, à niveau de dépendance équivalent, la durée d’intervention au profit des anciens cadres et professions intermédiaires représente plus du double de celle dont bénéficient les personnes âgées de milieu ouvrier.

Cette répartition en deux publics nettement distincts est corroborée par l’article de Sophie Bressé qui explore plus précisément les circuits de recours aux SAPAD, en cherchant à identifier qui est à l’origine de la décision du recours au service d’aide, et qui accomplit les démarches. Les caractéristiques respectives des personnes âgées - interrogées alors qu’elles sont déjà bénéficiaires d’un service d’aide - selon qu’elles sont ou ne sont pas à l’origine de la décision, mettent en évidence la coexistence de deux populations. Le premier groupe rassemble des personnes plus jeunes, très largement dépourvues de dépendance physique, de niveau social élevé, vivant plus souvent en couple, et pour lesquels le service d’aide effectue surtout des tâches ménagères. Dans trois cas sur quatre, la personne âgée avait alors entrepris elle-même la démarche auprès du service d’aide. Le second groupe, plus nombreux (58%), est composé quant à lui de personnes plus âgées et très souvent isolées. C’est avant tout l’entourage - et secondairement les professionnels de santé - qui intervient dans la procédure de recours, et ce d’autant plus que la personne présente une dépendance physique forte.

Dans son article, Dominique Somme se penche sur les filières d’admission des personnes âgées hébergées en établissement et la participation que ces résidents ont eu à la décision d’entrée. Deux éléments sont plus particulièrement analysés : l’acteur de la demande d’entrée dans l’établissement - professionnels sociaux ou de santé, famille, personne âgée elle-même - et la raison de cette démarche (décision personnelle, état de santé…). L’intérêt d’une bonne coordination gériatrique est souligné par le fait qu’une large majorité des personnes âgées entrées en établissement proviennent d’un domicile ordinaire. La participation de la personne âgée est plus élevée chez les anciens cadres, les résidents stables, les personnes sans famille proche et celles qui connaissent leur revenu, tandis que le rôle de la famille s’affirme avec l’âge et la dépendance. L’état de santé constitue bien le principal motif de la démarche, suivi par les raisons socio-familiales et la décision de la personne. Les résidents ressentent d’autant mieux leur vie en institution qu’ils ont participé à la décision d’entrée dans cet établissement, ce qui confirme l’importance d’une participation étroite des personnes âgées à la démarche d’institutionnalisation, notamment entre 80 et 90 ans.

La seconde partie du dossier est consacrée à la prise en charge en établissement. Cette partie associe une première contribution à teneur médicale, à deux autres articles qui abordent la dimension sociale de la vie des résidents.

En ce qui concerne la médicalisation des établissements d’accueil pour personnes âgées, Olivier Saint-Jean et Dominique Somme s’attachent à rapprocher leurs caractéristiques des nouveaux objectifs législatifs et réglementaires sanitaires. Leur article analyse le degré de médicalisation des établissements en termes de taux d’encadrement médical et paramédical puis de qualité des prestations, à l’aide notamment d’un indice composé de variables de procédure médicale (permanence des soins, protocoles de soins, tenue d’un dossier médical) et en intégrant la présence ou non de locaux pour déments. Au-delà de l’écart persistant entre la médicalisation des unités de soins de longue durée et les maisons de retraite, il en ressort une inégalité importante parmi ces dernières au regard de ce critère. Au sein des maisons de retraite, la présence d’un médecin coordonnateur semble améliorer sensiblement le degré de médicalisation de l’établissement.

Pour sa part, l’article d’Hélène Thomas et d’Olivier Saint-Jean, consacré à la citoyenneté et à l’autonomie sociale des personnes âgées vivant en institution, examine à partir de seize questions de l’enquête EHPA, l’impact de facteurs personnels et institutionnels sur deux dimensions différentes. La première est le maintien de l’autonomie sociale à travers la préservation de marges de choix dans la vie quotidienne, la gestion de ses propres affaires et le respect de l’intimité de la personne. La seconde dimension étudiée est celle de la citoyenneté concrète, approchée par la connaissance par la personne de ses droits de résident, et l’ouverture sur le monde extérieur. L’appartenance à une catégorie socioprofessionnelle élevée et, dans une moindre mesure le fait d’avoir travaillé, se révèle la caractéristique la plus déterminante la préservation des marges de choix et d’autonomie.

Martine Eenschooten se concentre, quant à elle, sur l’étude des animations collectives et individuelles proposées aux résidents des établissements d’hébergement ainsi que sur leurs relations sociales. Elle compare les animations collectives telles qu’elles sont proposées par les établissements, connues par les résidents et pratiquées par ces derniers. L’offre d’animations collectives apparaît d’autant plus riche que s’élève la taille de l’établissement, mais leur connaissance par les personnes âgées s’avère inégale. La participation régulière ou occasionnelle des résidents, de même que les relations sociales entre eux, déclinent fortement selon la sévérité de la dépendance, ce qui explique leur faiblesse dans les unités de soins de longue durée. Enfin, une forte corrélation se fait jour entre l’intensité de la participation aux animations collectives et le degré de satisfaction de la personne âgée quant à sa vie dans l’établissement.

Le dossier se termine par une contribution méthodologique de Laurent Caillot au sujet de l’appréhension de la personne âgée dans les enquêtes statistiques. Centré sur les protocoles d’enquête dans EHPA, SAPAD et HID (Handicaps-incapacités dépendance), l’article compare le recueil des déclarations selon les circonstances de l’entretien, auprès de la personne âgée (seule ou accompagnée), ou par l’intermédiaire d’un tiers, notamment le gestionnaire de l’établissement. La répartition des personnes âgées en établissement entre niveaux de dépendance est très sensible au protocole d’enquête, entre EHPA, où l’accent a été mis sur le recueil direct de la parole de la personne, et HID où l’aptitude à répondre à l’enquête n’était pas un critère de sélection de l’échantillon. Enfin, l’étude analyse les différences de perception entre résidents et gestionnaires dans EHPA sur l’autonomie pour la toilette et l’habillage. Un décalage considérable de représentation apparaît entre les gestionnaires - dont la perception semble induite du GIR de la personne âgée - et les résidents, plus nuancés.

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