Le recours et le non-recours à la complémentaire santé solidaire - Une étude qualitative des profils et des trajectoires des bénéficiaires

Les dossiers de la DREES

N° 107

Paru le 13/03/2023

Mathilde Caro, Morgane Carpezat, Loïcka Forzy (Asdo Études)
Le Ministère de la Santé et de la Prévention a coordonné une enquête spécifique afin d’éclairer les ressorts du recours et du non-recours à la Complémentaire santé solidaire (CSS) et d’apprécier la compréhension ainsi que la perception de la CSS par les bénéficiaires. Pilotée par la Direction de la Recherche, des études, de l’évaluation et des Statistiques (DREES) et la Direction de la sécurité sociale (DSS), cette enquête a été réalisée en 2022 par le cabinet Asdo dans trois départements de France métropolitaine, au travers d’entretiens en face à face auprès de 70 bénéficiaires, avec l’appui de la Caisse Nationale de l’Assurance Maladie (CNAM). Parmi les personnes interrogées, plus d’un tiers avaient connu des périodes de non-recours à la CSS.


Mise en place en novembre 2019 pour renforcer l’accès aux soins des personnes disposant de faibles revenus et remédier au recours insuffisant à la Couverture maladie universelle complémentaire (CMU - CMU-C) et à l’Aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS), la CSS permet à plus de 7 millions de personnes d’avoir accès à une couverture complémentaire en santé. Les dernières estimations produites par la DREES indiquent cependant que, si les taux de recours au dispositif sont orientés à la hausse par rapport à la période précédente, ceux-ci restent limités (56 % en 2021 contre 51 % en 2018) .

Le choix des personnes enquêtées : des profils socio-démographiques et de vulnérabilité variés
Les trois départements retenus dans l’étude ont été sélectionnés à partir d’une combinaison d’indicateurs socio-démographiques (taux de pauvreté, densité de l’offre de soins, degré d’urbanisation et âge moyen de la population). Sur ces territoires, le choix des 70 enquêtés parmi les personnes ayant manifesté leur intérêt pour l’étude s’est fait selon l’âge, le sexe, la situation familiale et vis-vis de l’emploi et selon qu’elles ont connu ou non une période de non recours et sont bénéficiaires de la CSS gratuite ou payante. La plupart des personnes enquêtées font état de budgets fortement contraints, d’une vulnérabilité sociale marquée par exemple par des difficultés de logement ou d’isolement social et, enfin, d’importantes problématiques de santé. Elles peuvent être réparties en cinq profils types : des travailleurs précaires, des femmes séparées ou divorcées, des retraités aux « petites retraites », des jeunes rencontrant des problèmes de santé et des étrangers ou d’anciens expatriés arrivés récemment sur le territoire.

Un recours à la CSS déclenché par l’intervention de l’entourage et des ruptures de parcours
Parmi les facteurs ayant conduit les enquêtés à recourir à la CSS, l’information de l’existence du dispositif par les pairs et les proches se révèle centrale, en particulier par des personnes déjà bénéficiaires de la CSS. Par ailleurs, l’accompagnement social et l’intervention d’acteurs du champ de la santé (médecins, pharmaciens) constituent des ressources déterminantes. La demande de la prestation survient également souvent à l’occasion d’une rupture de parcours (problème de santé, rupture conjugale ou arrivée en France), que celle-ci provoque l’éligibilité, l’émergence du besoin ou la prise de conscience de l’éligibilité du futur bénéficiaire.

La non-connaissance, la méconnaissance et l’instabilité des revenus : des facteurs majeurs de non-recours
Plus d’un tiers des personnes interrogées ont connu des périodes de non-recours à la CSS. La non-connaissance totale de la CSS apparait particulièrement fréquente, notamment pour les personnes venant d’arriver sur le territoire ou de perdre leur emploi. Avant d’y recourir, de nombreux enquêtés avaient déjà entendu parler du dispositif, mais leur vision en était floue, incomplète ou erronée. La méconnaissance des droits d’accès au dispositif constitue donc un motif majeur de non recours. En particulier, certains travailleurs précaires considèrent que la CSS ne s’adresse qu’aux personnes sans emploi.

Des périodes de non-demande ont aussi été identifiées chez des personnes se sachant éligibles, mais ne disposant pas de suffisamment de temps et d’énergie pour engager les démarches, ou manquant des moyens et de la stabilité des revenus nécessaires pour acquitter la participation financière demandée. Bien que leur éligibilité n’ait pu être vérifiée avec certitude au cours de l’enquête, certaines personnes (travailleurs précaires, retraités disposant de faibles pensions) se jugent injustement écartées de l’accès à la prestation, des ressources instables ou trop élevées dans le passé les ayant conduites à dépasser le plafond alors que leurs ressources actuelles ou habituelles les auraient rendues éligibles.

Un dispositif jugé déterminant pour l’accès aux soins
Les interviews d’usagers révèlent une mauvaise compréhension des paniers de soin couverts ou de l’articulation générale entre assurance maladie obligatoire et complémentaire, de même que des relations parfois jugées difficiles par les assurés avec certains organismes complémentaires gestionnaires de la CSS.

Néanmoins, la plupart des enquêtés témoignent d’une forte satisfaction quant à la couverture assurée par la CSS et la modicité de la participation financière demandée pour son volet payant. Par ailleurs, beaucoup soulignent le caractère déterminant de cette prestation dans leur accès aux soins et aux services de santé.

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À propos de la DSS

La Direction de la sécurité sociale (DSS) est une direction d’administration centrale chargée de la conception et du pilotage de la mise en œuvre des politiques publiques en matière de sécurité sociale : assurance maladie, accidents du travail et maladies professionnelles, retraite, famille, autonomie. Elle dépend à ce jour de plusieurs ministères : le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, le ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, le ministère de la Santé et de la Prévention, et le ministère des Solidarités, de l’Autonomie et des personnes handicapées

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