Fin 2018, un bénéficiaire de minima sociaux sur six n’avait pas de complémentaire santé

Études et résultats

N° 1232

Paru le 21/06/2022

Pierre-Yves Cabannes (DREES)
La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) publie une étude consacrée à la part des bénéficiaires de minima sociaux n’ayant pas de complémentaire santé. Cette étude est issue des données de l’enquête auprès des bénéficiaires de minima sociaux (BMS) réalisée fin 2018 - début 2019. Elle observe l’accès des personnes bénéficiaires de revenus minima garantis (minima sociaux et prime d’activité) aux différents types de couverture complémentaire, notamment la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et les contrats ACS, et les compare aussi à l’ensemble de la population. Cette étude présente aussi des données sur le renoncement aux soins des bénéficiaires des minima sociaux, qu’il s’agisse des consultations chez le médecin ou des soins dentaires.

 

Fin 2018, d’après l’enquête BMS de la DREES, les 6,6 millions1 de personnes bénéficiaires de revenus minima garantis fin 2017 sont moins couvertes par une complémentaire santé (87 %) que l’ensemble de la population2 (96 %). Cela en dépit des deux dispositifs spécifiques visant à faciliter l’accès des personnes aux faibles niveaux de vie à la couverture complémentaire existant en 2018 : la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS). Ces dispositifs ont été remplacés respectivement, à partir du 1er novembre 2019, par la complémentaire santé solidaire (CSS) sans participation financière et la CSS avec participation financière. De plus des dispositions ont été prises en 2022 pour faciliter l’attribution de la CSS aux bénéficiaires du RSA et de l’ASPA (encadré).

Un bénéficiaire du RSA sur cinq n’a pas de complémentaire santé

La part des personnes ayant une complémentaire santé est moindre parmi les bénéficiaires de minima sociaux que parmi ceux de la prime d’activité (83 % contre 92 %). Ce constat est probablement lié en partie au fait que certains des bénéficiaires de la prime d’activité ont une complémentaire d’entreprise. L’accès à une complémentaire santé est assez similaire entre les quatre minima sociaux considérés ici, compris entre 81 % pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et de l’allocation de solidarité spécifique (ASS) et 87 % pour ceux de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Deux bénéficiaires du RSA sur trois étaient couverts par la CMU-C

Fin 2018, 67 % des bénéficiaires du RSA fin 2017 sont couverts par la CMU-C. La part des bénéficiaires de la CMU-C parmi les bénéficiaires des autres revenus minima garantis s’étale entre 11 % pour l’AAH, 14 % pour le minimum vieillesse, 19 % pour la prime d’activité et 30 % pour l’ASS.
Les bénéficiaires du RSA demandant la CMU-C y étant automatiquement éligibles, la proportion de 67 % peut sembler faible. Cette relative faiblesse pourrait renvoyer à des phénomènes de non-recours. Or depuis le 1er janvier 2022, la demande de RSA vaut demande de la CSS sans participation financière (ex-CMU-C), sauf opposition expresse de la part de la personne (encadré). Cela devrait contribuer à accroître la couverture des bénéficiaires du RSA par la CSS sans participation financière.
En 2018, en France métropolitaine, le taux de recours parmi les personnes éligibles3 était estimé à 66 % pour la CMU-C. La méconnaissance du dispositif, motif de non-recours, est importante, y compris au sein de son cœur de cible. Ainsi, 18 % des bénéficiaires du RSA déclaraient ne pas connaître la CMU-C.

Graphique - Couverture complémentaire santé des bénéficiaires de revenus minima garantis, selon la prestation   perçue, fin 2018

La complexité des démarches : un motif relativement secondaire de non-recours à la CMU-C pour les bénéficiaires du RSA

Les bénéficiaires du RSA connaissant la CMU-C mais non couverts par celle-ci fin 2018, et sans demande en cours, représentaient 10 % des bénéficiaires du RSA fin 2017. Parmi eux, la principale raison déclarée à cette non-couverture était le fait d’avoir déjà une autre complémentaire santé (37 % d’entre eux). 16 % pensaient ne pas avoir droit à la CMU-C en raison de revenus trop élevés. La complexité et la longueur des démarches est une raison de non-recours moins évoquée (12 %). Enfin, de manière plus résiduelle, 5 % jugent que leur état de santé ne nécessite pas de prendre une couverture complémentaire santé.

Un allocataire du minimum vieillesse sur quatre avait souscrit un contrat ACS

Fin 2018, 25 % des allocataires du minimum vieillesse et 13 % de ceux de l’AAH fin 2017 ont souscrit une complémentaire santé grâce à l’ACS. L’ACS a connu un non-recours très élevé : en 2018, en France métropolitaine, le taux de recours parmi les personnes éligibles était estimé à 28 %. L’un des principaux enjeux de la mise en place de la CSS est justement d’améliorer ce recours.
La méconnaissance de l’ACS était nettement plus élevée que celle de la CMU-C. Seuls 32 % des allocataires de l’AAH et 43 % de ceux du minimum vieillesse indiquaient connaître l’ACS, alors qu’ils étaient pourtant parmi les premiers concernés en théorie par celle-ci.

Moins de renoncement aux soins pour des raisons financières parmi les bénéficiaires de la CMU-C que parmi les non-bénéficiaires

La part des bénéficiaires de revenus minima garantis ayant dû renoncer, pour des raisons financières, à des soins au cours de l’année est plus élevée que dans l’ensemble de la population, que ce soit pour une consultation chez le médecin (18 % contre 5 %) ou pour des soins dentaires (29 % contre 17 %). Toutefois, parmi les bénéficiaires de revenus minima garantis, cette part est plus faible chez ceux couverts par une complémentaire santé (16 % ont renoncé à une consultation chez le médecin et 27 % à des soins dentaires) que chez ceux ne l’étant pas (32 % et 42 %). Ces parts sont encore plus basses pour les bénéficiaires de la CMU-C (11 % et 21 %), peut-être en raison de l’opposabilité des tarifs (i.e. qu’ils ne peuvent pas se voir facturer de dépassement d’honoraire par les médecins).

Encadré • Présentation de trois dispositifs : la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS) et la complémentaire santé solidaire (CSS)

Jusqu’en octobre 2019, deux dispositifs donnant accès à une complémentaire santé aux populations les plus précaires coexistaient : la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et l’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS). La CMU-C, gratuite et mise en place en 2000, offrait une couverture santé similaire à ce que couvre la complémentaire santé solidaire (CSS) aujourd’hui.

L’ACS, instaurée en 2005, se présentait sous la forme d’une attestation, délivrée sur demande de l’assuré par la caisse primaire d’Assurance maladie, permettant à ses bénéficiaires d’être dispensés d’avance de frais sur leurs dépenses de santé pour la partie remboursée par l’Assurance maladie et d’être exonérés des franchises et des participations forfaitaires. Depuis 2013, les bénéficiaires de l’attestation ACS pouvaient faire valoir l’opposabilité des tarifs, c’est-à-dire ne pas se voir facturer de dépassement d’honoraire par les médecins. L’attestation permettait également de bénéficier d’un chèque réduisant le prix lors de la souscription à l’un des trois contrats ACS proposés. Elle correspond, en termes de public éligible, à la CSS avec participation financière aujourd’hui.

Les foyers percevant le revenu de solidarité active (RSA) étaient éligibles à la CMU-C sans nouvelle étude de leur dossier, à condition toutefois d’en faire la demande. Le renouvellement automatique de la CMU-C pour les titulaires du RSA a été mis en place le 1er avril 2019. Le renouvellement de la CSS a tout de suite été automatique pour les bénéficiaires du RSA et du minimum vieillesse. Toutefois, afin d’entrer dans le dispositif, ils devaient effectuer une demande de CSS, la perception de l’une de ces deux allocations justifiant de leurs ressources. Depuis le 1er janvier 2022, la demande de RSA vaut demande de la CSS sans participation financière, sauf opposition expresse de la part de la personne. Depuis le 1er avril 2022, les nouveaux allocataires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) bénéficient d’une présomption de droits à la CSS avec participation financière, avec une demande de CSS à effectuer mais des démarches administratives allégées.

Pour en savoir plus :

  • 1L’effectif de 6,6 millions de personnes est celui des bénéficiaires de minima sociaux et de la prime d’activité fin 2017 dans le champ de l’enquête BMS 2018. Les minima sociaux retenus ici sont le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation de solidarité spécifique (ASS), l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et le minimum vieillesse. Ils représentent 95 % des effectifs d’allocataires fin 2017 et 97 % des dépenses.
  • 2Il s’agit de l’ensemble des personnes de 16 ans ou plus appartenant à un ménage vivant dans un logement ordinaire, en France métropolitaine.
  • 3Y compris non bénéficiaires de revenus minima garantis.

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